L'hypertype et ses dangers
Notion d'hypertypes: définition et limites
La notion d'hypertype découle bien sûr de la notion de type, c'est à dire de l'ensemble des caractères distinctifs communs à tous les individus qui compose une race et sont référencés dans le standard de la race.
Le chien dit "typé" sera donc un animal représentatif de la race, qui possède tous les caractères distinctifs de celle-ci, par opposition au manque ou à l'excès de type, c'est donc au sein d'une race donnée que les individus extrêmes seront dits hypo ou hyper-typés.
De façon neutre, l'hyper et l'hypotype sont égaux, c'est à dire bien éloignés par rapport à la représentation de l'archétype que propose le standar, en tous les cas, aussi éloigné l'un que l'autre de la valeur moyenne. On peut alors se demander si l'hypertype ne rejoint pas le manque de type,même si le chien hypertypé pèche par excès plutôt que par insuffisance. Au milieu le chien typé; d'un côté le chien qui manque de type et de l'autre, à égale distance, le chien hypertypé. Si on refuse la confirmation au chien qui manque de type, il faudrait, si on est logique, la refuser au chien hypertype.
Si on lit très fréquement sur les réseaux sociaux comme argument de vente que "l'hypertype c'est le plus beau !", il faut savoir que la dérive vers l'hypertype dans une race provoque des changements drastiques et peut aboutir a de nombreuses pathologies à cause de l'éxagération poussée à l'excès de certains caractères physiques. S'il ne s'agit pas là de pathologie, on sent bien tout de même que poussé à l'extrême, c'est le danger qui guette, tout est donc question d'équilibre et de possibilité de faire marche arrière dans la race avec la variabilité génétique qui existe. Si l'extrême est sélectionné et se reproduit plus que le moyen, génétiquement on décale la courbe et la population change d'aspect pour finalement, au bout de quelques générations changer de morphologie et laisser apparaître les problèmes. Si tout dépend bien sûr des caractères sélectionnés, les conséquences d'une sélection sur une face courte (ou que l'on cherche à raccourcir comme c'est la tendance chez le Chihuahua ces dernières années) peuvent devenir néfastes pour l'animal.
Encourager l'hypertype, c'est avant tout encourager les extrêmes par excès et donc arriver à oublier le standard. C'est progressivement sortir du standard et se projeter vers des problèmes pouvant aboutir à des troubles pathologiques.
A qui la faute ?
L'hypertype est un phénomène insidieux qui se manifeste dans une race, une lignée et qui est malheurement cultivé par l'être humain. Une sélection dans le mauvais sens en quelque sorte !
Alors qui est responsable ?
Dans une société où tout le monde cherche à se démarquer et à impressioner avec du toujours plus spectaculaire, on peut s'interroger sur la responsabilité de ses dérives: les propriétaires qui cherchent un chien toujours plus spectaculaire (ou toujours plus petit !), les éleveurs qui les produisent pour répondre à une demandde grandissante ou certains juges qui leur accordent les Meilleurs de race en exposition, mais aussi les vétérinaires qui se taisent face à un éleveur qui sélectionne ce type de chien.
Le standard FCI ne devrait plus autoriser l'hypertype
Consciente de l'impacte des hypertypes et de façon plus large de la sélection sur le bien-être animal, la Fédération Cynologique Internationale a fait entrer, dans la formulation récente de tous les nouveaux standards et ce, par le biais du "standard type", des alinéas systématiques qui ne prêtent plus à confusion et ne devraient plus permettre, s'ils étaient appliqués à la lettre, de voir propager les exagérations phénotypiques. Le dernier modèle en vigueur modifié par la commission des standards en 2015 stipule dans les défauts entrainant l'exclusion les précisions suivantes:
- tout chien présentant de façon évidente des anomalies d'ordres physique ou comportemental sera disqualifié
- seuls les chiens sains et capable d'accomplir les fonctions pour lesquelles ils ont été sélectionnés, et dont la morphologie est typique de la race, peuvent êtres utilisés pour la reproduction.
Ces mentions devraient éviterde produire des animaux hypertypés ou ayant des troubles pathologiques. Il est toutefois clair que si le chien présentant un manque de type est mentionné comme défaut entrainant l'élimination, ce n'est pas encore le cas pour celui hypertypé... La commission des standards FCI pourrait se pencher sur cette question dans les années à venir mais la cynophilie française n'a jamais succombé à la mode du chien d'exposition tel qu'on peut le voir dans les pays anglo-saxons ou dans bien des pays un peu partout dans le monde. Le titre de Champion de France s'accompagne obligatoirement de test de santé, caractère ou utilisation (en Chihuahua: le TAN, les tests de rotules) C'est le seul pays au monde ou l'exigence est telle et de ce fait, la France est moins touchée par l'hypertype que d'autres pays.
Les efforts de la SCC
Les clubs de races suédois et néerlandais ont édité à l'intention des juges des listes de défauts par race auxquels il est conseillé de prêter particulièrement attention. Ces listes ont été soumises aux clubs français afin de les adapter aux problèmes tels qu'ils les constatent, elles sont indicatives mais elles concernent les races tendant vers des hypertypes et le Chihuaha en fait partie dans ses deux variétés (poils courts et poils longs). La SCC à diffusé très largement ces informations à tous les juges officiant en France, el but est de faire remonter, depuis le terrain (élevages, expositions...) les informations relatives à l'hypertype afin d'en avoir une idée précise et pouvoir lutter efficacement contre.
La traduction française proposée par la SCC attire l'attention sur les principaux caractères aboutissant à l'hypertype chez le chien, je vais me concentrer ici sur ceux que l'on est susceptible de rencontrer dans notre race:
- disharmonie et construction: au repos comme en mouvement, le chien doit être équilibré. Tous les chiens doivent être aptes à se déplacer sans difficulté et chaque chien doit démontrer cela de manière suffisante lors du jugement.
- respiration: tous les chiens doivent être aptes à respirer normalement, en repos comme en mouvement. Une attention particulière doit par conséquent être prêtée aux dérives vers l'hypertype qui penvent empêcher une respiration saine, tels que la respiration bruyante et/ou détresse respiratoire audible; les narines très petites et pincées.
- denture: les dents du chien doivent être développées en accord avec le standard. Une attention particulière doit être portée aux chiens hypertypés au niveau de la mâchoire: mâchoires inférieures trop étroites; canines inversées qui montent vers le palais; dents extrêmement petites; mâchoires qui ne ferment pas...
- yeux: tous les chiens doivent avoir des yeux brillants et secs, sans aucun signe d'inconfort. Il est nécessaire de prêter une attention particulière aux chiens ayant des caractéristiques extrêmes qui peuvent causer des irritations oculaires comme: yeux exorbités; inflammation visible et/ou larmoyants à l'excès
- caractère et comportement: tous les chiens doivent faire preuve dans le ring d'un caractère équilibré et approprié à la vie en société. Le comportement spécifique de la race doit être permis, mais une timidité excessive une réticence ou un caractère agressif sont à éviter.
Les conséquences sur le bien-être, la santé et l'éthique
En tant que praticien de la santé, le vétérinaire ne peut rester insensible aux dérives de l'hypertype. Même si parfois, sa grande implication et son degré de technicité peut lui faire perdre l'idée que la race dont il s'occupe glisse progressivement vers de l'hypertype pathologique (car c'est bien cela qui pose problème). La proffession vétérinaire est consciente du problème et l'association mondiale des vétérinaires spécialisés en petits animaux met en garde depuis plus de 40 ans sur les risques d'appliquer une sélection morphologique dangereuse pour la santé des chiens. La France n'est pas en retard à ce propos et intègre quasi systématiquement des interventions et conférences sur le sujet dans ses rencontres professionnelles.
De son coté, depuis 2017, le site britannique Vet Help Direct exhorte les vétérinaires et leurs associations proffessionnelles à agir pour résoudre les problèmes médicaux rencontrés par les chiens brachycéphales, incapables de respirer normalement, dont la survie passe par une trachéotomie. Celle situation, créée par l'homme à force de sélection d'un hypertype au museau court et retroussé, vise avant tout l'esthétisme sans tenir en compte des conséquences pour ces animaux sur leur santé et leur bien être.
Il est donc important de se mobiliser pour lutter contre l'installation de l'hypertype. Le Dr. Gilles Chaudieu reprends la liste des régions anatomiques auxquelles il est important de porter une attention particulière dans un excellent article que je vous invite à lire dans son entièreté mais je vais reprendre ici les points qui me parraissent les plus pertinant pour le Chihuahua, en les complétant en m'appuyant sur la thèse de doctorat vétérinaire de Morgane Michel:
- la tête dans son ensemble: doit être proportionnée à la filière pelvienne afin d'éviter les dystocies; la persistance de la fontanelle, longtemps souhaitée dans les races naines (pour obtenir la fameuse tête en forme de pomme du Chihuahua par exemple) peut être associée à des problèmes comportementaux ou a des hydrocéphalies, le standard de la race, modifié en 2010, met d'ailleurs maintenant la peristance de la fontanelle parmi les défauts entrainant la non confirmation.
- les yeux: risques augmentés d'exhorbitation chez les races brachycéphales ultraconcaves.
- syndrôme brachycéphalique en lien avec le raccourcissement de la face chez les races brachycéphales ultraconcaves (dont ne fait normalement pas parti le Chihuahua, mais comme la sélection dans certains pays tends a raccourcir les faces pour toujours plus de type, en voici les risques encourrus): les chiens hypertypés présentent un syndrome obstructif des voies respiratoires et présentent alors une gêne respiratoire audible.
- collapsus trachéal: rencontré chez les races naines et de petites tailles.
- fracture: à cause de la miniaturisation extrême on note des fractures des os longs suite a des chocs minimes, voire en l'absence de chocs, avec des guérisons complexes, qui pourraient être en lien avec une modification de l'irrigation osseuse et une finesse de la corticale osseuse proportionnellement à la taille de l'animal.
En conclusion...
La production d'hypertype doit être considérée comme un cas extrême de sélection au sein d'une race canine et non comme un but recherché. Elle produit des animaux qui finissent par être morphologiquement "hors standard" et entraîne des troubles potentiels préjudiciables à la santé des animaux et à la race toute entière.
Tout est question d'équilibre autour d'une morphologie type, en favrisant au maximum la diversité,mais dans des fourchettes de variation acceptables pour le bien être et la santé de l'animal !
Si chacun prends conscience du problème, la sélection n'est pas une cause perdue, chaque éleveur doit faire preuve de discernement dans son programme d'élevage, éviter les l'hypertype est en réalité une question d'équilibre et de bon sens.
Pour une meilleure visualisation de ce a quoi DOIT ressembler un Chihuahua, je vous invite à regarder le Standard et commentaires illustrés par le CCE (cliquez sur le texte en gras)